“Il est connu comme le loup blanc!” C’est ce que m’avait lancé Marc Lelangue, alors programmateur du Travers où je venais déposer des exemplaires d’un des premiers numéros de Jazz in Time fin des années 80. “Et tu dois faire des affichettes avec la couverture”, avait-il poursuivi en pensant à la promo (nécessaire) de ce jeune mensuel (nécessiteux). Le terme de vedette n’a pas beaucoup de résonance dans le monde du jazz. Il n’empêche, Michel Herr, car c’est de lui qu’il s’agissait en couverture du magazine, était déjà un visage emblématique d’un jazz belge en expansion.

Après Steve Houben le mois dernier, c’est donc une autre personnalité majeure du jazz belge que nous mettons à l’affiche de ce Hot House. Pour l'excellente raison qu’est une soirée spéciale qui lui sera consacrée à la Jazz Station en décembre, avant une redite à Liège en 2024. Elle vient saluer une œuvre musicale conséquente. Le but ici n’est pas de verser dans le panégyrique, ni d'écrire une nouvelle notice Wikipédia. Mais d'insister sur un travail de pionnier qui a profité à bien d’autres que lui.

Dès ses débuts, Michel Herr joue la carte internationale en compagnie de Wolfgang Engstfeld, hélas disparu en septembre dernier. Ce qui deviendra une longue collaboration est le prélude de formations européennes diverses au fil du temps. La seule liste des contrebassistes du quartet avec le saxophoniste allemand illustre la volonté de rayonner au-delà de nos frontières: Palle Danielsson, Isla Eckinger, Riccardo Del Fra, Detlev Beier et Hein Van de Geyn. A cette même période des années 70, le pianiste passe aux claviers pour faire de Solis Lacus une formation à la pointe du jazz électrique sur notre continent.

Il faut également souligner que son œuvre n’est pas strictement musicale. Michel Herr n’a jamais été avare d’efforts pour que le jazz belge soit mieux reconnu et diffusé. Il fut — évidemment ou naturellement, dirons-nous — parmi les fondateurs des Lundis d’Hortense, indispensable association professionnelle montée en 1976 à une époque épique, quand le jazz belge était encore selon les mots d’un chroniqueur étranger “the best kept secret”. Il a participé au Séminaire du Jazz, a connu une activité longue au sein de la Sabam et a fourni un travail de l’ombre, en soutien d’Ilan Oz, pour développer et faire vivre le site web Jazz in Belgium dès sa création en 1996.

A l’intention des plus jeunes ou des distraits, rappelons que ce leader a aussi été l’accompagnateur de Toots Thielemans durant deux décennies à travers le monde entier. Nous ne donnerons aucun autre nom des pointures qu’il a accompagnées et dont l’énumération tient du défunt bottin. Et nous ne dirons rien de sa prédilection pour les grands ensembles. Et pas davantage de ses talents de compositeur et d’arrangeur, eux aussi sollicités en dehors de nos frontières jusqu’à aujourd’hui. A cette fin, nous vous donnons rendez-vous le 5 décembre du côté de Saint-Josse pour une Saint-Nicolas avant l’heure!

JO